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Nicolas Giral

Odile Fix
ses pas s’effacent déjà comme toute vie s’évapore
l’histoire d’une encre qui brûle sur la flamme d’une bougie
par son souffle
il épouse la poussière de nos chemins de charbon
devenir le refuge de tant d'heures sans nom
ce corbeau rassemble dans son torse toutes les plaies à guérir
tracer des sentiers de Lune étincelants jusqu’à l’aube
la femme du torrent a quitté l’espace arpenté par nos chats
jamais le feu ne disparaît
il invite les souvenirs des braises à devenir orgues de basalte
briser les entraves des voyageurs du silence
les pauvres hères marchent en file indienne silencieusement sur les dunes
s’épuisant sous le jour d’un été qui s’installe
les corbeaux ne seront plus les drones d’un dieu marteau
le mendiant des nuits claires a ses ailes repliées
petits pas vers l'avant pour rejoindre la scène
s'appuyant sur sa béquille comme l’on s’appuie sur le monde
prêt à arpenter ses routes intérieures
elles sont silence
et solitude
Nicolas Dieterlen
Clarté d'hiver
Un corbeau de bon augure
transperce les ténèbres d'une lueur délestée.
Retour vers le clair-obscur.
Un colibri a disparu dans les heures plus fraîches de la nuit.
Sans savoir je cueille des mots discordants et vibrants ou même brûlants.
Trois choix gravitent autour de moi
les fleurs de l'ombre
des fleurs lumineuses
et les fleurs de la vanité.
Ma bouche est esseulée
face aux montagnes.
Seules pourtant
elles diront ma vérité
car le soleil pleure sa lumière en hiver
Charley Val

Odile Fix

Nicolas Giral
Anonyme
avec mon kimono et mes épaules d’acier
j’ai vomi par la fenêtre mes entrailles brisées
sur l’asphalte
je suis l’as de carreau au cerveau en chantier
des fleurs de natures mortes pollinisent mes neurones
eux
qui dansent sans bruit sur les chants des psychoses
une porte bat sans souffler dans le fond d’un couloir
les couleurs de l’exil sont le trépas délavé des fantômes de demain
j’avance dans la crainte que chaque pont cède sous mes pauvres pas
renvoyer mon assiette dans le laboratoire d’une gargote
et les balles et les coups
plonger ma main dans la casserole où meurent les chalutiers
aspirés par un noyau de baïnes en acier
et surtout libérer tous les rats d’une torture certaine
le lavabo se vide éternellement
comme nous nous embourbons dans les dessins d’une spirale sans issue
le soleil passe un instant à travers mes rideaux
et le gout de la salive dans ma bouche qui manque d’eau
une femme au loin a mis à son désespoir
deux roulettes
afin de pouvoir le conjuguer à tous les temps
plutôt que de s’apercevoir que la guigne
est un nuage qui colle toujours à la peau
elle
qui a épluché sa peine et sa solitude chaque jour
sur une table de cuisine froide
elle a nettoyé toutes les salades et tous les mots plongeants du jour
afin d’en faire un châle pour l’hiver sur ses épaules fatiguées
elle est partie ce matin sur le carrefour de la petite chance
elle attend le train qui l’emmènera loin d’ici
à la fin de l’alphabet
dépassée par la situation elle est finalement rentrée au bercail
qui l’attendait en se frottant les deux mains
comme on étouffe l’espoir en riant sournoisement
une fois de plus
elle a dilué dans l’éther ses anciens rêves colorés
elle a accroché sa peine au pied d’une bouteille de vin
une ceinture de sécurité pour supporter les rapides de sa vie
sur la droite
des immeubles escaliers et des lucarnes qui s’ennuient
aux graffitis hors saison
dessiner malgré tout un potager sur le béton
toujours se rappeler
que même dans les bunkers sans souffle
on n’enferme pas
la lumière des bergers
Nicolas Dieterlen